concept de phénomène

Category: Heidegger - Etre et temps etc.
Submitter: Murilo Cardoso de Castro

concept de phénomène

A. Le concept de phénomène EtreTemps7

L’expression grecque phainomenon, à laquelle remonte le terme « phénomène », dérive du verbe phainesthai, qui signifie : se montrer ; phainomenon signifie donc : ce qui se montre, le manifeste ; phainesthai est lui-même une formation moyenne de phaino, mettre au jour, à la lumière ; phaino, appartient au radical pha ?, tout comme phos, la lumière, la clarté, c’est-à-dire ce où quelque chose peut devenir manifeste, en lui-même visible. Comme signification de l’expression « phénomène », nous devons donc maintenir ceci : ce-qui-se-montre-en-lui-même, le manifeste. Les phainomena, « phénomènes » sont alors l’ensemble de ce qui est au jour ou peut être porté à la lumière - ce que les Grecs identifiaient parfois simplement avec ta onta (l’étant). Or l’étant peut se montrer en lui-même selon des guises diverses, suivant le mode d’accès à lui. La possibilité existe même que l’étant se montre comme ce qu’en lui-même il n’est pas. En un tel se-montrer, l’étant « a l’air de... », « est comme si... ». Nous [29] appelons un tel se-montrer le paraître. Et c’est ainsi qu’en grec l’expression phainomenon, phénomène présente également la signification de : ce qui est comme si..., l’« apparent », l’« apparence » ; phainomenon agathon, désigne un bien qui est comme si - mais qui « en réalité » n’est pas ce comme quoi il se donne. L’essentiel, pour une compréhension plus poussée du concept de phénomène, est d’apercevoir comment ce qui est nommé dans les deux significations de phainomenon ( « phénomène » au sens de ce qui se montre, « phénomène » au sens de l’apparence) forme une unité structurelle. C’est seulement dans la mesure où quelque chose en général prétend par son sens propre à se montrer, c’est-à-dire à être phénomène, qu’il peut se montrer comme quelque chose qu’il n’est pas, qu’il peut « seulement avoir l’air de... » Dans la signification du phainomenon comme apparence est déjà co-incluse, comme son fondement même, la signification originelle (phénomène : le manifeste). Nous assignons terminologiquement le titre de « phénomène » à la signification positive et originelle de phainomenon, et nous distinguons le phénomène de l’apparence comme modification primitive du phénomène. Cependant, ce que l’un et l’autre termes expriment n’a d’abord absolument rien à voir avec ce que l’on appelle [ordinairement] « phénomène » [NT: Ici, Erscheinung, terme signifiant littéralement « apparition » (ainsi le traduirons-nous dans la suite), mais qu’il est courant de traduire par phénomène, chez Kant par exemple. Sinon, pour désigner le phénomène au sens phénoménologique de ce qui se montre, Heidegger emploie toujours le mot Phänomen = phénomène.] ou même « simple phénomène ». EtreTemps7

Bien que l’« apparaître » ne soit en aucun cas un se-montrer au sens du phénomène, apparaître n’est cependant possible que sur le fond d’un se-montrer de quelque chose. Mais ce se-montrer qui rend l’apparaître possible n’est point l’apparaître lui-même. Apparaître, c’est s’annoncer par quelque chose qui se montre. Si donc nous disons que par le mot « apparition » nous renvoyons à quelque chose où quelque chose apparaît sans être lui-même apparition, le concept de phénomène n’est point par là délimité, mais présupposé, cette présupposition demeurant cependant recouverte, puisque dans la détermination de [30] l’« apparition » l’expression « apparaître » est utilisée équivoquement. Ce où quelque chose « apparaît » signifie ce où quelque chose s’annonce, c’est-à-dire ne se montre pas ; et dans l’expression : « sans être soi-même "apparition" », apparition signifie le se-montrer. Mais ce se-montrer appartient essentiellement à cet « où » en lequel quelque chose s’annonce. Les phénomènes ne sont donc jamais des apparitions, tandis que toute apparition est bel et bien assignée à des phénomènes. Si l’on définit le phénomène à l’aide d’un concept, qui plus est encore obscur, de l’« apparition », alors tout est mis sens dessus dessous, et une « critique » de la phénoménologie installée sur une telle base devient un fort curieux propos. EtreTemps7

Phénomène - le se-montrer-en-soi-même - signifie un mode d’encontre privilégié de quelque chose. Apparition, au contraire, désigne un rapport de renvoi qui est au sein même de l’étant, de telle manière que ce qui renvoie (ce qui annonce) ne petit satisfaire à sa fonction possible que s’il se montre en lui-même, est « phénomène ». Apparition et apparence sont elles-mêmes diversement fondées dans le phénomène. La multiplicité confuse des « phénomènes » qui sont nommés par les titres de phénomène, d’apparence, d’apparition, de simple apparition ne peut être débrouillée qu’à condition que d’emblée le concept de phénomène soit compris comme : ce-qui-se-montre-en-lui-même. EtreTemps7

Si dans une telle saisie du concept de phénomène, l’indétermination subsiste touchant l’étant qui est advoqué comme phénomène, et si en général la question reste ouverte de savoir si ce qui se montre est à chaque fois un étant ou un caractère d’être de l’étant, c’est qu’on se sera borné à obtenir le concept formel de phénomène. Mais que l’on entende par ce qui se montre l’étant qui, au sens de Kant par exemple, est accessible grâce à l’intuition empirique, et alors le concept formel de phénomène trouve son application correcte. Le phénomène ainsi employé remplit la signification du concept vulgaire de phénomène. Cependant, ce concept vulgaire n’est pas le concept phénoménologique de phénomène. Dans l’horizon de la problématique kantienne, ce qui est conçu phénoménologiquement sous le nom de phénomène peut, sans préjudice d’autres différences, être illustré en disant : ce qui se montre déjà, d’emblée et conjointement, quoique non thématiquement, dans les apparitions - dans le phénomène vulgairement entendu - peut-être thématiquement porté au se-montrer, et ce-qui-ainsi-se-montre-en-soi-même (« formes de l’intuition »), voilà les phénomènes de la phénoménologie. Car manifestement l’espace et le temps doivent nécessairement pouvoir se montrer ainsi, ils doivent pouvoir devenir phénomènes si Kant prétend énoncer une proposition transcendantale fondée lorsqu’il dit que l’espace est le « où » apriorique d’un ordre. EtreTemps7

Submitted on:  Thu, 08-Mar-2007, 11:07