caractère du Dasein

Category: Heidegger - Etre et temps etc.
Submitter: Murilo Cardoso de Castro

caractère du Dasein

Mais si la question du sens de l’être ne commet aucun « cercle démonstratif », elle ne s’en caractérise pas moins par une « rétro-» et « pré-référence » du questionné (être) au questionner en tant que mode d’être d’un étant. Ce concernement essentiel du questionner par son questionné appartient au sens le plus propre de la question de l’être. Or cela signifie simplement que l’étant qui a le caractère du Dasein est lui-même en rapport - et peut-être même en un rapport insigne - à la question de l’être. Or à travers ce rapport un étant déterminé ne se trouve-t-il pas déjà assigné en sa primauté d’être ? L’étant exemplaire qui doit fonctionner comme l’interrogé premier de la question de l’être n’est-il pas déjà prédonné ? Mais il s’en faut que les élucidations précédentes suffisent à manifester la primauté du Dasein, ou à décider de sa fonction possible ou même nécessaire d’étant à interroger primairement. Au moins quelque chose comme une primauté du Dasein s’est-elle annoncée à nous. EtreTemps2

L’interrogé primaire dans la question du sens de l’être est l’étant qui a le caractère du Dasein. L’analytique existentiale préparatoire du Dasein a elle-même besoin, conformément à sa spécificité, d’être préalablement esquissée et délimitée par rapport à des recherches apparemment équivalentes (chapitre 1). Puis, compte tenu du point de départ fixé à cette recherche, il convient de libérer dans le Dasein une structure-fondamentale : l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] (chapitre II). Cet « a priori » de l’interprétation du Dasein n’est point une déterminité [Bestimmtheit] composite, mais une structure originellement et constamment totale. Toutefois, elle procure des points de vue divers sur les moments qui la constituent. Tout en maintenant le regard constamment fixé sur la totalité à chaque fois première de cette structure, il faut discerner phénoménalement ces moments. Aussi l’analyse prendra-t-elle successivement pour objet : le monde en sa mondanéité [Weltlichkeit] (chapitre III), l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] comme être-avec [Mitsein] et être-soi-même (chapitre IV), l’être-à... comme tel (chapitre V). Sur la base de l’analyse de cette structure fondamentale, une indication provisoire de l’être du Dasein deviendra possible. Son sens existential est le souci (chapitre VI). EtreTemps8

L’étant que nous avons pour tâche d’analyser, nous le sommes à chaque fois nous-mêmes. L’être de cet étant est à chaque fois mien. Dans son être, cet étant se rapporte [42] lui-même à son être. En tant qu’étant de cet être, il est remis à son propre être. C’est de son être même que, pour cet étant, il y va à chaque fois. Or deux conséquences résultent de cette caractérisation du Dasein : 1. L’« essence » de cet étant réside dans son (avoir-) à-être. Le quid (essentia) de cet étant, pour autant que l’on puisse en parler, doit nécessairement être conçu à partir de son être (existentia). C’est alors justement la tâche ontologique que de montrer que, si nous choisissons pour désigner l’être de cet étant le terme d’existence, ce titre n’a point, ne peut avoir la signification ontologique du terme traditionnel d’existentia ; existentia signifie ontologiquement autant qu’être-sous-la-main, un mode d’être qui est essentiellement étranger à l’étant qui a le caractère du Dasein. Pour éviter la confusion, nous utiliserons toujours à la place du titre existentia l’expression interprétative d’être-sous-la-main, réservant au seul Dasein la détermination d’être de l’existence. L’« essence » du Dasein réside dans son existence. Les caractères de cet étant qui peuvent être dégagés ne sont donc pas des « propriétés » sous-la-main d’un étant sous-la-main présentant telle ou telle « figure », mais, uniquement, des guises à chaque fois possibles pour lui d’être. Tout être-ainsi-ou-ainsi de cet étant est primairement être. C’est pourquoi le titre « Dasein » par lequel nous désignons cet étant n’exprime pas son quid, comme dans le cas de la table, de la maison, de l’arbre, mais l’être. 2. L’être dont il y va pour cet étant en son être est à chaque fois mien. Le Dasein ne saurait donc jamais être saisi ontologiquement comme un cas ou un exemplaire d’un genre de l’étant en tant que sous-la-main. À cet étant-ci, son être est « indifférent », ou, plus précisément, il « est » de telle manière que son être ne peut lui être ni indifférent ni non indifférent. L’advocation du Dasein, conformément au caractère de mienneté de cet étant, doit donc toujours inclure le pronom personnel : « je suis », «tu es ». EtreTemps9

L’être-à..., on l’a dit, n’est point une « qualité » que le Dasein possède à tel moment ou ne possède pas à tel autre, sans laquelle il pourrait être aussi bien qu’avec elle. L’homme n’« est » pas, en ayant encore et de surcroît un rapport d’être au « monde », que de temps en temps il exercerait. Le Dasein n’est jamais « d’abord » un étant pour ainsi dire « libre-d’être-à... », qui aurait occasionnellement envie d’assumer une « relation » au monde. Assumer de telles relations au monde n’est possible que parce que le Dasein est comme être-au-monde [In-der-Welt-sein] ce qu’il est. Cette constitution d’être ne prend pas naissance du simple fait qu’en dehors de l’être qui a le caractère du Dasein est sous-la-main un autre type d’étant qui se rencontrerait avec lui. « Se rencontrer avec » le Dasein, cet autre étant ne le peut que pour autant qu’il peut en général se montrer à partir de lui-même à l’intérieur d’un monde. EtreTemps12

La « mondanéité [Weltlichkeit] » est un concept ontologique, qui désigne la structure d’un moment constitutif de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Or nous connaissons l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] comme une détermination existentiale du Dasein. La mondanéité [Weltlichkeit], par conséquent, est elle-même un existential. En nous enquérant ontologiquement du « monde », nous ne quittons donc en aucune manière le champ thématique de l’analytique du Dasein. Le « monde », au sens ontologique, n’est pas une détermination de l’étant que le Dasein n’est essentiellement pas, mais un caractère du Dasein lui-même. Ce qui n’exclut pas que le chemin de la recherche du phénomène du « monde » doive passer par l’étant intramondain et l’être de cet étant. La tâche d’une « description » phénoménologique du monde est si peu claire que sa seule détermination suffisante exige déjà des clarifications ontologiques essentielles. EtreTemps14

Notre « description » du monde ambiant prochain, par exemple du monde d’ouvrage de l’artisan, a montré [NT: Supra, §15 [EtreTemps15], p. [70-71].], que les autres à qui l’ouvrage est destiné « font encontre avec » l’outil [Zeug] [NT: C’est-à-dire l’ouvrage lui-même] qui est sur le métier. Dans le mode d’être de cet à-portée-de-la-main, c’est-à-dire dans sa tournure [Bewandtnis], est impliqué un renvoi essentiel à des porteurs possibles, « à la mesure desquels » il doit être taillé. Tout de même, dans le matériau employé, celui qui l’a produit ou « livré » fait [118] encontre comme quelqu’un qui « sert » bien ou mal. Par exemple, le champ le long duquel nous marchons « dehors » se montre comme appartenant à tel ou tel, comme ordinairement entretenu par lui ; le livre que nous utilisons a été acheté chez... ou offert par..., etc. Le bateau à l’ancre sur le rivage renvoie en son être-en-soi à un familier qui s’en sert pour ses excursions - mais même en tant que « bateau inconnu » il manifeste autrui. Ces autres qui nous font ainsi « encontre » dans le contexte d’outils à-portée-de-la-main, intérieur au monde ambiant ne sont point par exemple ajoutés par la pensée à une chose de prime abord sans plus sous-la-main, mais ces « choses » font encontre à partir du monde où elles sont à-portée-de-la-main pour les autres, lequel monde, d’emblée, est toujours aussi déjà le mien. Dans notre analyse antérieure, l’orbe de l’étant rencontré de manière intramondaine a d’abord été restreint à l’outil [Zeug] à-portée-de-la-main ou à la nature sous-la-main, c’est-à-dire à un étant ne présentant pas le caractère du Dasein. Cette restriction n’était pas seulement nécessaire afin de simplifier l’explication mais avant tout parce que le mode d’être du Dasein des autres tel qu’il est rencontré de manière intramondaine se distingue de l’être-à-portée-de-la-main et de l’être-sous-la-main. Le monde du Dasein libère par conséquent de l’étant qui n’est pas seulement en général différent de l’outil [Zeug] et des choses, mais qui, de par son mode d’être propre, est lui-même en tant que DASEIN « dans » le monde - où il fait en même temps encontre de manière intramondaine - selon la guise de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. Cet étant n’est ni-sous-la-main ni à-portée-de-la-main, mais comme est le Dasein même qui le libère - lui aussi est Là et Là-avec. Si l’on voulait identifier en général le monde avec l’étant intramondain, l’on serait forcé de dire que le « monde » est aussi Dasein. EtreTemps26

L’étant qui a le caractère du Dasein est son Là selon une guise telle que, expressément ou non, il se trouve dans son être-jeté. Dans l’affection, le Dasein est toujours déjà transporté devant lui-même, il s’est toujours déjà trouvé - non pas en se « trouvant » là-devant par la perception, mais en « se-trouvant » en une tonalité. En tant qu’étant remis à son être, il demeure également remis à ceci qu’il doit toujours déjà s’être trouvé - trouvé en une trouvaille qui ne résulte pas tant d’une quête directe que d’une fuite. Si la tonalité ouvre, ce n’est pas en tournant ses regards sur l’être-jeté, c’est en se tournant vers lui pour s’en détourner. La plupart du temps, elle ne se tourne pas vers le caractère de charge du Dasein qui est manifesté en elle - et cela est encore plus vrai de la tonalité exaltée en tant que celle-ci en délivre. Ce détournement n’est jamais ce qu’il est que sur le mode de l’affection. EtreTemps29

Le en-avant-de-soi se fonde dans l’avenir. L’être-déjà-dans annonce en lui-même l’être-été. L’être-auprès... est rendu possible dans le présentifier. Néanmoins il nous est ici interdit, d’après ce qui vient d’être dit, de saisir le « avant » du « en-avant » et le « déjà » à partir de la compréhension vulgaire du temps. Le « en-avant » ne désigne pas un « devant » au sens du « maintenant-pas-encore... mais plus tard »; tout aussi peu le « déjà » signifie-t-il un « plus-maintenant... mais plus tôt ». Si les expressions « en-avant » et « déjà » avaient cette signification temporelle - que du reste elles peuvent aussi avoir -, parler de temporalité du souci reviendrait à dire qu’il est quelque chose qui est tout à la fois « plus tôt » et « plus tard », « pas encore » et « plus ». Le souci serait alors conçu comme un étant qui survient et se déroule « dans le temps ». L’être d’un étant avant le caractère du Dasein deviendrait un sous-la-main. Or si c’est là chose impossible, il faut que la signification temporelle des expressions citées soit autre. Le « avant » du « en-avant » indique l’avenir tel qu’il rend en général pour la première fois possible que le Dasein soit de telle manière qu’il y aille pour lui de son pouvoir-être. Le se-projeter, fondé dans l’avenir, vers le « en-vue-de soi-même » est un caractère d’essence de l’existentialité. Le sens primaire de celle-ci est l’avenir. [328] De même, le « déjà » désigne le sens d’être temporel existential de l’étant qui, pour autant qu’il est, est à chaque fois déjà jeté. C’est seulement parce que le souci se fonde dans l’être-été que le Dasein peut exister comme l’étant jeté qu’il est. « Aussi longtemps que » le Dasein existe facticement, il n’est jamais passé, mais il est bel et bien toujours déjà été au sens du «je suis-été ». Et il ne peut être été qu’aussi longtemps qu’il est. Nous qualifions au contraire de passé un étant qui n’est plus sous-la-main. Par suite, le Dasein, tandis qu’il existe, ne peut jamais se constater comme un fait sous-la-main qui naît et passe « avec le temps » et qui est déjà partiellement passé. Le Dasein ne « se trouve » jamais que comme fait jeté. Dans l’affection, le Dasein est assailli par lui-même comme l’étant que, étant encore, il était déjà, c’est-à-dire qui est constamment été. Le sens existential primaire de la facticité réside dans l’être-été. Par les expressions « en-avant » et « déjà », notre formulation de la structure du souci indique le sens temporel de l’existentialité et de la facticité. EtreTemps65

Submitted on:  Fri, 23-Feb-2007, 12:35