devancement

Category: Heidegger - Etre et temps etc.
Submitter: Murilo Cardoso de Castro

devancement

Vorlaufen (das) : devancement (le fait d’aller au-devant de…). [ETEM; ETJA]
vorlaufend : qui prend les devants, devançant. (vorlaufende Entschlossenheit : ‘être-résolu’ qui prend les devants) [ETJA]
devancer : vorausspringen. [ETEM]
herausstellen [ETEM]

Mais l’être pour la possibilité en tant qu’être pour la mort doit se rapporter à elle de telle manière qu’elle se dévoile dans cet être et pour lui comme possibilité. Un tel être pour la possibilité, nous le saisissons terminologiquement en tant que devancement dans la possibilité. Mais est-ce que ce comportement ne contient pas en lui un approchement vers le possible ? Avec la proximité du possible, est-ce que ce n’est pas en même temps sa réalisation qui surgit ? Réponse : cet approchement ne tend point à rendre un effectif disponible à la préoccupation, mais, dans cette approche compréhensive, la possibilité du possible devient seulement « plus grande ». La proximité la plus proche de l’être pour la mort comme possibilité est aussi éloignée que possible d’un effectif. Plus cette possibilité est comprise sans aucun voile, et d’autant plus purement le comprendre pénètre dans la possibilité comme possibilité de l’impossibilité de l’existence en général. La mort comme possibilité ne donne au Dasein rien à « réaliser », et rien non plus qu’il pourrait être lui-même en tant qu’effectif. Elle est la possibilité de l’impossibilité de tout comportement par rapport à..., de tout exister. Dans le devancement dans cette possibilité, celle-ci devient « toujours plus grande », c’est-à-dire qu’elle se dévoile comme une possibilité qui ne connaît absolument aucune mesure, aucun plus ou moins, mais signifie la possibilité de l’impossibilité sans mesure de l’existence. De par son essence propre, cette possibilité n’offre aucun point d’appui pour être tendu vers quelque chose, pour « se figurer » l’effectif possible et, par le fait même, oublier la possibilité. EtreTemps53

L’être pour la mort comme devancement dans la possibilité possibilise pour la première fois cette possibilité et la libère en tant que telle. EtreTemps53

L’être pour la mort est devancement dans un pouvoir-être de l’étant dont le mode d’être est le devancement même. Dans le dévoilement devançant de ce pouvoir-être, le Dasein s’ouvre à lui-même quant à sa possibilité extrême. Mais se projeter vers son pouvoir-être le plus propre veut dire : pouvoir se comprendre soi-même dans l’être de l’étant ainsi dévoilé : [263] exister. Le devancement se manifeste comme possibilité du comprendre du pouvoir-être extrême le plus propre, c’est-à-dire comme possibilité d’existence authentique. La constitution ontologique de celle-ci doit être rendue visible grâce au dégagement de la structure concrète du devancement dans la mort. Comment s’accomplit la délimitation phénoménale de cette structure ? Manifestement, en déterminant les caractères de l’ouvrir devançant qui doivent nécessairement lui appartenir pour qu’il puisse devenir le pur comprendre de la possibilité la plus propre, absolue, indépassable, certaine et comme telle indéterminée. Mais il reste ici à considérer que le comprendre ne signifie pas primairement : fixer du regard un sens, mais se comprendre dans le pouvoir-être qui se dévoile dans le projet [NA: Cf. supra, §31 [EtreTemps31], p. [142] sq.]. EtreTemps53

La possibilité la plus propre est absolue. Le devancement fait comprendre au Dasein qu’il a à assumer uniquement à partir de lui-même le pouvoir-être où il y va purement et simplement de son être le plus propre. La mort n’« appartient » pas seulement indifféremment au Dasein propre, mais elle interpelle celui-ci en tant que singulier. L’absoluité de la mort comprise dans le devancement isole le Dasein vers lui-même. Cet isolement est une guise de l’ouvrir du « Là » pour l’existence. Il manifeste que tout être auprès de l’étant offert à la préoccupation et tout être-avec avec autrui cesse d’être pertinent à partir du moment où il y va du pouvoir-être le plus propre. Le Dasein ne peut être authentiquement lui-même que s’il s’y dispose à partir de lui-même. Néanmoins, la non-pertinence de la préoccupation et de la sollicitude ne signifie nullement que ces guises du Dasein se trouvent détachées de l’être-Soi-même authentique. En tant que structures essentielles de la constitution du Dasein, elles appartiennent conjointement à la condition de possibilité de l’existence en général. Le Dasein n’est authentiquement lui-même que pour autant qu’il se projette primairement, en tant qu’être préoccupé auprès... et en tant qu’être-avec éclairé par la sollicitude, vers son pouvoir-être le plus propre, et non pas vers la possibilité du On-même. Le devancement dans la possibilité absolue force l’étant devançant à la possibilité d’assumer de lui-même et à partir de [264] lui-même son être le plus propre. EtreTemps53

La possibilité la plus propre, absolue, est indépassable. L’être pour elle fait comprendre au Dasein que le précède, à titre de possibilité extrême de l’existence, [la nécessité] de se sacrifier. Mais le devancement n’esquive pas l’indépassabilité comme l’être pour la mort inauthentique, mais il se rend libre pour elle. Le devenir-libre devançant pour la mort propre libère de la perte dans les possibilités qui ne se pressent que de manière contingente, et cela en faisant comprendre et choisir pour la première fois authentiquement les possibilités factices qui sont en deçà de la possibilité indépassable. Le devancement ouvre à l’existence, à titre de possibilité extrême, le sacrifice de soi et brise ainsi tout raidissement sur l’existence à chaque fois atteinte. En devançant, le Dasein se préserve de retomber derrière soi et son pouvoir-être compris, et de « devenir trop vieux pour ses victoires » (Nietzsche). Libre pour les possibilités les plus propres, déterminées à partir de la fin, c’est-à-dire comprises comme finies, le Dasein expulse le danger de méconnaître à partir de sa compréhension finie de l’existence les possibilités d’existence d’autrui qui le dépassent, ou bien, en les mésinterprétant, de les rabattre sur les siennes propres afin de se délivrer ainsi lui-même de son existence factice la plus propre. Mais la mort, en tant que possibilité absolue, n’isole que pour rendre, indépassable qu’elle est, le Dasein comme être-avec compréhensif pour le pouvoir-être des autres. Parce que le devancement dans la possibilité indépassable ouvre conjointement toutes les possibilités antérieures à elle, il inclut la possibilité d’une anticipation existentielle de tout le Dasein, c’est-à-dire la possibilité d’exister comme pouvoir-être total. EtreTemps53

L’ouverture de la possibilité se fonde dans la possibilisation devançante. Le maintien dans cette vérité, c’est-à-dire l’être-certain de ce qui est ouvert, requiert précisément le devancement. La certitude de la mort ne peut être calculée à partir de la constatation de cas de mort. Elle ne se tient absolument pas dans une vérité de ce sous-la-main qui fait encontre le plus purement, du point de vue de sa découverte, à un faire-encontre simplement a-visant de [265] l’étant en lui-même. Le Dasein doit nécessairement s’être tout d’abord perdu dans des états de chose - ce qui peut constituer une tâche et une possibilité propre du souci - pour conquérir la pure pertinence, c’est-à-dire l’indifférence de l’évidence apodictique. Si l’être-certain au sujet de la mort n’a pas ce caractère, cela ne signifie nullement qu’il est de degré inférieur à cette évidence, mais au contraire qu’il n’appartient absolument pas à l’ordre hiérarchique des évidences au sujet du sous-la-main. EtreTemps53

Le tenir-pour-vrai de la mort - la mort n’est à chaque fois que comme propre - manifeste une autre modalité et est plus originaire que toute certitude concernant un étant rencontré à l’intérieur du monde ou les objets formels ; car il est certain de l’être-au-monde. En tant que tel, il ne sollicite pas seulement une conduite déterminée du Dasein, mais celui-ci même dans la pleine authenticité de son existence [NA: Cf. supra, §62 [EtreTemps62], p. [305] sq.]. C’est seulement dans le devancement que le Dasein peut s’assurer de son être le plus propre dans sa totalité indépassable. Par suite, l’évidence d’une donation immédiate des vécus, du Moi et de la conscience doit nécessairement rester en deçà de la certitude qui est renfermée dans le devancement. Et cela non pas parce que le mode concerné de saisie ne serait pas rigoureux, mais parce qu’il ne peut fondamentalement pas tenir pour vrai (ouvert) ce qu’il veut au fond « avoir-là » en tant que vrai : le Dasein que je suis moi-même et que, en tant que pouvoir-être, je ne puis être authentiquement qu’en devançant. EtreTemps53

La possibilité la plus propre, absolue, indépassable et certaine est indéterminée en sa certitude. Comment le devancement ouvre-t-il ce caractère de la possibilité insigne du Dasein ? Comment le comprendre devançant se projette-t-il vers un pouvoir-être certain qui est constamment possible, mais de telle manière que le quand où devient possible la pure et simple impossibilité de l’existence demeure constamment indéterminé ? Dans le devancement vers la mort indéterminément certaine, le Dasein s’ouvre à une menace jaillissant de son Là lui-même, constante. L’être pour la fin doit se tenir en elle, et il peut si peu l’aveugler qu’il doit au contraire nécessairement configurer l’indéterminité de la certitude. Comment l’ouvrir natif de cette menace constante est-il existentialement possible ? Tout comprendre est affecté. La tonalité transporte le Dasein devant l’être-jeté de son « qu’il-est-Là » [NA: Cf. supra, §29 [etreTemps29], p. [134] sq.]. Mais l’affection qui est en mesure de tenir ouverte la menace constante et pure et simple qui monte de l’être isolé le plus propre du Dasein, c’est l’angoisse [NA: Cf. supra, §40 [EtreTemps40], p. [184] sq.]. C’est en elle que le Dasein se trouve devant le rien [266] de la possible impossibilité de son existence. L’angoisse s’angoisse pour le pouvoir-être de l’étant ainsi déterminé, et elle ouvre ainsi la possibilité extrême. Comme le devancement isole purement et simplement le Dasein et, dans cet isolement de lui-même, le fait devenir certain de la totalité de son pouvoir-être, à cette auto-compréhension du Dasein à partir de son fond appartient l’affection fondamentale de l’angoisse. L’être pour la mort est essentiellement angoisse. L’attestation univoque, quoique « seulement » indirecte en est donnée par l’être pour la mort qu’on a caractérisé, lorsqu’il pervertît l’angoisse en peur lâche et annonce, avec le surmontement de celle-ci, la lâcheté devant l’angoisse. EtreTemps53

Il est maintenant possible de résumer ainsi notre caractérisation de l’être pour la mort authentique existentialement projeté : le devancement dévoile au Dasein sa perte dans le On-même et le transporte devant la possibilité, primairement dépourvue de la protection de la sollicitude préoccupée, d’être lui-même - mais lui-même dans la LIBERTÉ POUR LA MORT passionnée, déliée des illusions du On, factice, certaine d’elle-même et angoissée. EtreTemps53

Tous ces rapports, propres à l’être pour la mort, à la teneur pleine de la possibilité extrême du Dasein qui a été caractérisée trouvent leur convergence dans le fait qu’ils dévoilent, déploient et maintiennent le devancement constitué par eux en tant que possibilisation de cette possibilité. La délimitation existentialement projetante du devancement a rendu visible la possibilité ontologique d’un être existentiel authentique pour la mort. Mais du même coup, ce qui surgit, c’est la possibilité d’un pouvoir-être-tout authentique du Dasein - néanmoins seulement à titre de possibilité ontologique. Certes, notre projet existential du devancement s’en est tenu aux structures du Dasein auparavant conquises, et il a laissé, pour ainsi dire, le Dasein se projeter lui-même vers cette possibilité, sans lui représenter ou lui imposer « de l’extérieur » un idéal « concret » d’existence. Et pourtant, cet être existentialement « possible » pour la mort demeure existentiellement une suggestion fantastique. La possibilité ontologique d’un pouvoir-être-tout authentique du Dasein ne signifie rien tant que le pouvoir-être ontique correspondant n’a pas été assigné à partir du Dasein lui-même. Le Dasein se jette-t-il à chaque fois facticement dans un tel être pour la mort ? Exige-t-il, ne serait-ce que sur la base de son être le plus propre, un pouvoir-être authentique qui soit déterminé par le devancement ? EtreTemps53

La question encore flottante d’un être-tout authentique du Dasein et de sa constitution existentiale ne pourra être transportée sur un sol phénoménal probant que si elle peut s’attacher à une authenticité possible de son être attestée par le Dasein lui-même. Qu’il soit possible de mettre au jour phénoménologiquement une telle attestation et ce qui y est attesté, et alors se posera à nouveaux frais le problème de savoir si le devancement de la mort qui n’a été jusqu’à maintenant projeté que dans sa possibilité ONTOLOGIQUE se tient en une connexion essentielle avec le pouvoir-être authentique en tant que celui-ci est ATTESTÉ. EtreTemps53

Un pouvoir-être-tout authentique du Dasein a été existentialement projeté. L’explicitation [302] du phénomène a dévoilé l’être authentique pour la mort comme devancement [NA: Cf. supra, §58 [EtreTemps58], p. [280] sq.]. Dans son attestation existentielle, le pouvoir-être authentique du Dasein a été mis au jour comme résolution et en même temps interprété existentialement. Comment l’un et l’autre phénomènes doivent-ils être rapprochés ? Le projet ontologique du pouvoir-être-tout authentique n’a-t-il pas conduit dans une dimension du Dasein qui est fort éloignée du phénomène de la résolution ? Qu’est-ce que la mort doit avoir de commun avec la « situation concrète » de l’agir ? La tentative d’accoupler à toute force la résolution et le devancement ne nous égare-t-elle pas dans une construction insoutenable, absolument non-phénoménologique, qui ne peut même plus revendiquer le caractère d’un projet ontologique phénoménalement fondé ? EtreTemps61

Une mise en relation extérieure des deux phénomènes s’interdit assurément d’elle-même. Méthodiquement, il ne s’ouvre qu’un seul chemin possible : partir du phénomène de la résolution tel qu’attesté en sa possibilité existentielle, et demander : est-ce que la résolution, en sa tendance d’être existentielle la plus propre, renvoie elle-même à la résolution devançante comme à sa possibilité authentique la plus propre ? Qu’en serait-il si la résolution, suivant son sens propre, ne s’était portée à son authenticité que dès l’instant qu’elle se projette non pas vers des possibilités quelconques et simplement prochaines, mais vers cette possibilité extrême qui est antécédente à tout pouvoir-être factice du Dasein et qui s’engage comme telle, de manière plus ou moins dégagée, dans tout pouvoir-être facticement saisi du Dasein ? Si la résolution comme vérité authentique du Dasein n’atteignait que dans le devancement vers la mort la certitude authentique qui lui appartient ? Si c’était seulement dans le devancement vers la mort qu’était authentiquement comprise, c’est-à-dire existentiellement rejointe, toute « pré-cursivité » factice du décider ? EtreTemps61

Tant que l’interprétation existentiale n’oublie pas que l’étant thématique qui lui est prédonné a le mode d’être du DASEIN et ne saurait se laisser reconstruire comme totalité sous-la-main à partir de fragments sous-la-main, ses démarches doivent nécessairement se laisser globalement guider par l’idée d’existence. Ce qui ne signifie rien de moins, pour la question de la connexion possible entre devancement et résolution, que l’exigence de projeter [303] ces phénomènes existentiaux vers les possibilités existentielles prédessinées en eux, et de « penser en dernière instance » celles-ci existentialement. Par là, l’élaboration de la résolution devançante comme pouvoir-être-tout authentique existentiellement possible perd le caractère d’une construction arbitraire. Elle devient la libération interprétative du Dasein pour sa possibilité extrême d’existence. EtreTemps61

La résolution a été caractérisée comme un se-projeter ré-ticent et prêt à l’angoisse vers l’être-en-dette le plus propre. Celui-ci appartient à l’être du Dasein et signifie : être-fondement nul d’une nullité. Le « en-dette » qui appartient à l’être du Dasein ne tolère ni accroissement ni diminution. Il est antérieur à toute quantification, si tant est que celle-ci ait un sens. De même, le Dasein, étant essentiellement en-dette, ne l’est pas de temps en temps, pour ensuite ne l’être à nouveau plus. Le vouloir-avoir-conscience se décide pour cet être-en-dette. Le sens propre de la résolution implique de se projeter vers cet être-en-dette comme lequel le Dasein est aussi longtemps qu’il est. Par suite, l’assomption existentielle de cette « dette » dans la résolution n’est authentiquement accomplie que lorsque la résolution, dans son ouvrir du Dasein, s’est rendue assez translucide pour comprendre l’être-en-dette comme constant. Mais cette compréhension ne devient possible que pour autant que le Dasein s’ouvre le pouvoir-être « jusqu’à sa fin ». Toutefois, l’être-à-la-fin du Dasein signifie existentialement : être pour la fin. La résolution devient authentiquement ce qu’elle peut être en tant qu’être compréhensif pour la fin, c’est-à-dire que devancement dans la mort. La résolution n’« a » pas simplement du rapport avec le devancement comme avec un autre d’elle-même. EtreTemps62

Résolution veut dire : se-laisser-pro-voquer à l’être-en-dette le plus propre. L’être-en-dette appartient à l’être du Dasein lui-même, que nous avons primairement déterminé comme [306] pouvoir-être. Le Dasein « est » constamment en-dette, cela ne peut signifier que ceci : il se tient à chaque fois dans cet être en tant qu’exister authentique ou inauthentique. L’être-en-dette n’est pas seulement une propriété permanente d’un sous-la-main constant, mais la possibilité existentielle d’être authentiquement ou inauthentiquement en-dette. Le « en-dette » n’est jamais que dans un pouvoir-être factice déterminé. Par suite, l’être-en-dette, parce qu’il appartient à l’être du Dasein, doit être conçu comme pouvoir-être-en-dette. La résolution se projette vers ce pouvoir-être, c’est-à-dire se comprend en lui. Ce comprendre, par suite, se tient dans une possibilité originaire du Dasein, et il se tient authentiquement en elle si la résolution est originairement ce qu’elle tend à être. Or nous avons dévoilé l’être originaire du Dasein pour son pouvoir-être comme être pour la mort, c’est-à-dire pour la possibilité insigne du Dasein qui a été caractérisée. Le devancement ouvre cette possibilité comme possibilité. La résolution, par conséquent, ne devient un être originaire pour le pouvoir-être le plus propre du Dasein qu’en tant que devançante. Le « pouvoir » du pouvoir-être-en-dette, la résolution ne le comprend que si elle se « qualifie » comme être pour la mort. EtreTemps62

Résolu, le Dasein assume authentiquement dans son existence le fait qu’il est le rien nul de sa nullité. Nous avons conçu existentialement la mort comme la possibilité - plus haut caractérisée - de l’impossibilité de l’existence, c’est-à-dire comme pure et simple nullité du Dasein. La mort n’est pas surajoutée au Dasein lors de sa « fin », mais, en tant que souci, le Dasein est le fondement jeté (c’est-à-dire nul) de sa mort. La nullité qui transit originairement l’être du Dasein se dévoile à lui-même dans l’être pour la mort authentique. C’est le devancement qui rend pour la première fois l’être-en-dette manifeste à partir du fondement de l’être total du Dasein. Le souci abrite cooriginairement en soi la mort et la dette. La résolution devançante comprend pour la première fois le pouvoir-être-en-dette authentiquement et totalement, c’est-à-dire originairement [NA: L’être-en-dette appartenant originairement à la constitution d’être du Dasein doit être soigneusement distingué du status corruptionis au sens théologique. Certes, la théologie peut trouver dans l’être-en-dette existentialement déterminé une condition ontologique de sa possibilité factice. Cependant, la dette contenue dans l’idée de ce status est un endettement factice absolument spécifique. Il a son attestation propre, qui demeure fondamentalement fermée à toute expérience philosophique. L’analyse existentiale de l’être-en-dette ne prouve rien, ni pour, ni contre la possibilité du péché. En toute rigueur, on ne peut même pas dire que l’ontologie du Dasein laisse par elle-même cette possibilité en général ouverte, dans la mesure où, en tant que questionner philosophique, elle ne « sait » fondamentalement rien du péché.]. EtreTemps62

Dans son ad-vocation, l’appel de la conscience passe toute considération et tout pouvoir « mondains » du Dasein. Sans égards, il isole le Dasein sur son pouvoir-être-en-dette, qu’il lui intime d’être authentiquement. L’acuité intacte de l’isolement essentiel sur le pouvoir-être le plus propre ouvre le devancement vers la mort comme possibilité absolue. La résolution devançante prend totalement conscience du pouvoir-être-en-dette en tant qu’absolu et le plus propre. EtreTemps62

Mais le Dasein est cooriginairement dans la non-vérité. La résolution devançante lui nomme en même temps la certitude originaire de sa fermeture. Résolu en devançant, le Dasein se tient ouvert pour la perte constante, possible sur la base de son propre être, dans l’ir-résolution du On. L’ir-résolution est co-certaine en tant que possibilité constante du Dasein. La résolution translucide à elle-même comprend que l’indéterminité du pouvoir-être ne se détermine jamais que dans la décision pour ce qui est situation. Elle sait l’indéterminité qui régit un étant qui existe. Mais ce savoir, s’il veut correspondre à la résolution authentique doit lui-même jaillir d’un décider authentique. Or l’indétermination du pouvoir-être propre - bien que devenu à chaque fois certain dans la décision - ne se manifeste totalement que dans l’être pour la mort. Le devancement transporte le Dasein devant une possibilité qui est constamment certaine et qui pourtant demeure à tout instant indéterminée quant au moment où la possibilité devient impossibilité. Elle manifeste que cet étant est jeté dans l’indétermination de sa « situation-limite », en se résolvant à laquelle le Dasein conquiert son pouvoir-être-tout authentique. L’indétermination de la mort s’ouvre originairement dans l’angoisse. Mais cette angoisse originaire aspire à s’intimer la résolution. Elle débarrasse tout recouvrement de l’abandon du Dasein à lui-même. Le rien devant lequel l’angoisse transporte dévoile la nullité qui détermine le Dasein en son fondement, lequel est lui-même en tant qu’être-jeté dans la mort. EtreTemps62

Mais à l’inverse, c’est seulement l’interprétation de la « connexion » entre résolution et devancement qui a pu atteindre la pleine compréhension existentiale du devancement lui-même. Jusqu’alors, celui-ci ne pouvait valoir que comme projet ontologique. Maintenant, il est apparu au contraire que le devancement n’est pas une possibilité inventée et imposée au Dasein, mais le mode d’un pouvoir-être existentiel attesté dans le Dasein, mode qu’il s’intime pour autant que, en tant que résolu, il se comprend authentiquement. Le devancement n’« est » pas en tant que comportement flottant en l’air, mais il doit nécessairement être conçu comme la possibilité, abritée dans la résolution existentiellement attestée, et ainsi co-attestée, de son authenticité. L’authentique « pensée de la mort » est le vouloir-avoir-conscience qui s’est rendu existentiellement translucide. EtreTemps62

Si la résolution en tant qu’authentique tend au mode délimité par le devancement, et si le devancement constitue le pouvoir-être-tout authentique du Dasein, alors, dans la résolution existentiellement attestée, un pouvoir-être-tout authentique du Dasein est co-attesté. La question du pouvoir-être-tout est une question factice-existentielle. Le Dasein y répond en tant que résolu. La question du pouvoir-être-tout du Dasein a désormais totalement dépouillé l’apparence - que nous avions mise en évidence au début [NA: Cf. supra, §45, p. [231] sq.] - selon laquelle elle serait simplement une question théorique, méthodique de l’analytique du Dasein, née d’un effort pour accéder à une « donation » exhaustive du Dasein en son tout. La question de la totalité du Dasein telle que nous ne l’élucidions d’abord que de manière ontologico-méthodique, possédait certes une légitimité, mais uniquement parce que son fondement remontait à une possibilité ontique du Dasein. EtreTemps62

La mise au jour de la « connexion » entre devancement et résolution prise au sens de la possible modalisation de celle-ci par celui-là est devenue une mise en lumière phénoménale d’un pouvoir-être-tout authentique du Dasein. Or si, avec ce phénomène, est atteinte une guise d’être où le Dasein se transporte vers et devant lui-même, alors, nécessairement, il doit demeurer ontiquement et ontologiquement inintelligible à l’explicitation quotidienne, à l’entente du On. Ce serait un contresens que de vouloir récuser cette possibilité existentielle [310] comme « non prouvée », ou, inversement, de vouloir la « prouver » théoriquement. Et pourtant, le phénomène demande à être préservé des perversions les plus grossières. EtreTemps62

Le projeté du projet existential originaire de l’existence s’est dévoilé comme résolution devançante. Qu’est-ce qui rend possible cet être-tout authentique du Dasein quant à l’unité de son tout structurel articulé ? Si on la saisit de manière formellement existentiale, et sans désigner maintenant constamment sa teneur structurelle pleine, la résolution devançante est l’être pour le pouvoir-être insigne le plus propre. Or cela n’est possible qu’autant que le Dasein peut en général advenir à soi en sa possibilité la plus propre, et que, en ce se-laisser-advenir-à-soi, il soutient la possibilité comme possibilité - c’est-à-dire existe. Or le se-laisser-advenir-à-soi dans la possibilité qui soutient celle-ci est le phénomène originaire de l’avenir. Si à l’être du Dasein appartient l’être authentique ou inauthentique pour la mort, celui-ci n’est possible que comme avenant au sens qu’on vient d’indiquer, et qui reste à déterminer de plus près. L’« avenir », ici, ne désigne pas un « maintenant » qui n’est pas encore devenu « effectif » et qui ne le sera qu’un jour, mais la venue en laquelle le Dasein advient à soi en son pouvoir-être le plus propre. Le devancement rend le Dasein authentiquement avenant, de telle manière cependant que le devancement n’est lui-même possible que pour autant que le Dasein en tant qu’étant advient en général toujours déjà à soi, c’est-à-dire est en général avenant en son être. EtreTemps65

La résolution devançante comprend le Dasein en son être-en-dette essentiel. Ce comprendre signifie : assumer l’être-en-dette en existant, être en tant que fondement jeté de la nullité. Mais l’assomption de l’être-jeté signifie : être authentiquement le Dasein tel qu’il était à chaque fois déjà. L’assomption de l’être-jeté, cependant, n’est possible que dans la mesure où le Dasein avenant peut être son « comme il était déjà à chaque fois » le plus propre, [326] c’est-à-dire son « été ». C’est seulement pour autant que le Dasein est en général comme je-suis-été qu’il peut advenir de manière avenante à soi-même, en re-venant. Authentiquement avenant, le Dasein est authentiquement été. Le devancement vers la possibilité extrême et la plus propre est le re-venir compréhensif vers l’« été » le plus propre. Le Dasein ne peut être été authentiquement qu’autant qu’il est avenant. L’être-été, d’une certaine manière, jaillit de l’avenir. EtreTemps65

Pour caractériser terminologiquement l’avenir authentique, nous maintenons l’expres-sion devancement. Elle indique que le Dasein, existant authentiquement, se laisse ad-venir à soi en tant que pouvoir-être le plus propre, autrement dit que l’avenir doit lui-même le [337] premier se gagner, et cela non pas à partir d’un présent, mais à partir de l’avenir inauthentique. Le terme formellement indifférent pour l’avenir nous avait servi à désigner le premier moment structurel du souci, c’était le en-avant-de-soi. Le Dasein, facticement, est constamment en-avant-de-soi, mais il est in-constamment devançant quant à la possibilité existentielle. EtreTemps68

Comment dissocier maintenant de l’avenir authentique l’avenir inauthentique ? Tout comme celui-là ne peut se dévoiler que dans la résolution, ce mode ekstatique ne peut se dévoiler que dans un retour ontologique depuis le comprendre inauthentique, quotidiennement préoccupé, jusqu’à son sens temporalo-existential. En tant que souci, le Dasein est essentiellement en-avant-de-soi. De prime abord et le plus souvent, l’être-au-monde préoccupé se comprend à partir de ce dont il se préoccupe. Le comprendre inauthentique se projette vers ce qui, dans les affaires de l’activité quotidienne, est pourvoyable, faisable, urgent, indispensable. Mais ce dont on se préoccupe n’est comme il est qu’en-vue du pouvoir-être soucieux. Celui-ci laisse le Dasein, dans son être préoccupé auprès de ce dont il se préoccupe, ad-venir à soi. Le Dasein n’ad-vient pas primairement à soi dans son pouvoir-être le plus propre, absolu, mais, se préoccupant, il est attentif [NT: gewärtig (premier emploi) voir l’index s.v.] à soi à partir de ce qu’offre ou refuse ce dont il se préoccupe. C’est à partir de celui-ci que le Dasein ad-vient à soi. L’avenir inauthentique a le caractère du s’attendre [NT: Voir également l’index, s.v. Gewärtigen.]. C’est dans ce mode ekstatique de l’avenir que le se-comprendre préoccupé du On-même à partir de ce que l’on fait a le « fondement » de sa possibilité. Et c’est seulement parce que le Dasein factice est ainsi attentif à son pouvoir-être à partir de ce dont il se préoccupe, qu’il peut l’attendre et attendre ceci ou cela. Le s’attendre doit déjà à chaque fois avoir ouvert l’horizon et l’orbe à partir duquel quelque chose peut être attendu. L’attendre est un mode dérivé, fondé dans le s’attendre, de l’avenir, qui se temporalise authentiquement comme devancement. C’est pourquoi il y a dans le devancement un être pour la mort plus originaire que dans l’attente préoccupée de celle-ci. EtreTemps68

Le comprendre, en tant qu’exister dans le pouvoir-être projeté d’une façon ou d’une autre, est primairement a-venant. Mais il ne se temporaliserait pas s’il n’était temporel, c’est-à-dire déterminé cooriginairement par l’être-été et le présent. La manière dont la dernière ekstase citée co-constitue le comprendre inauthentique a déjà été grossièrement dégagée. La préoccupation quotidienne se comprend à partir du pouvoir-être qui vient au devant d’elle à partir du succès ou de l’insuccès possible concernant ce dont elle se préoccupe à chaque fois. À l’avenir inauthentique, au s’attendre, correspond un être propre auprès de ce dont on se préoccupe. Le mode ekstatique de cet être présent à... se dévoile si nous lui comparons la [338] même extase considérée selon le mode de la temporalité authentique. Au devancement de la résolution appartient un présent conformément auquel une décision ouvre la situation. Dans la résolution, le présent n’est pas seulement ramené de la dispersion dans ce dont on se préoccupe de prime abord, mais encore il est tenu dans l’avenir et l’être-été. Le présent tenu dans la temporalité authentique, donc authentique, nous le nommons l’instant. Ce terme doit être pris au sens actif, en tant qu’ekstase. Il désigne l’échappée résolue, mais tenue dans la résolution, du Dasein vers ce qui lui fait encontre dans sa situation en fait de possibilités ou de circonstances de préoccupation. Il est fondamentalement impossible d’éclaircir le phénomène de l’instant à partir du maintenant. Le maintenant est un phénomène temporel qui appartient au temps comme intratemporalité : le maintenant « où » quelque chose naît, passe ou est sous-la-main. « Dans l’instant », rien ne peut survenir, mais, en tant qu’être présent à... authentique, il laisse pour la première fois faire encontre ce qui peut être « en un temps » en tant qu’à-portée-de-la-main au sous-la-main [NA: C’est sans doute S. KIERKEGAARD qui a discerné avec le plus de pénétration le phénomène existentiel de l’instant, ce qui ne signifie point qu’il soit pour autant parvenu à en donner au même degré une interprétation existentiale. Kierkegaard, en effet, reste attaché au concept vulgaire du temps et détermine l’instant à l’aide du maintenant et de l’éternité. Lorsqu’il pare de « temporalité », il a en vue l’« être-dans-le-temps » de l’homme. Or le temps comme intratemporalité connaît uniquement le maintenant, jamais un instant. Mais que celui-ci soit existentiellement expérimenté, et alors une temporalité plus originaire est nécessairement présupposée - même si ce présupposé demeure existentialement tacite. Au sujet de l’« instant », v. aussi K. JASPERS, Psychologie der Weltanschauungen, éd. citée, p. 108 sq., et aussi p. 419-432, sur le « dossier Kierkegaard ».]. EtreTemps68

Le comprendre inauthentique se temporalise comme ce s’attendre présentifiant à l’unité [339] ekstatique duquel doit nécessairement appartenir un être-été correspondant. L’ad-venir à soi authentique de la résolution devançante est en même temps un re-venir au Soi-même le plus propre, jeté dans son isolement. C’est cette ekstase qui rend possible que le Dasein, en se résolvant, assume l’étant qu’il est déjà. Dans le devancement, le Dasein se ramène et se reconduit devant le pouvoir-être le plus propre. Nous appelons l’être-été authentique la répétition. Mais le se-projeter inauthentique vers les possibilités puisées dans l’objet de préoccupation tandis que celui-ci est présentifié n’est possible qu’autant que le Dasein s’est oublié en son pouvoir-être jeté le plus propre. Un tel oubli n’est pas rien, ni seulement le défaut du souvenir, mais un mode ekstatique propre, « positif » de l’être-été. L’ekstase (échappée) de l’oubli a le caractère d’un désengagement fermé à soi-même devant l’«été » le plus propre, de telle sorte que ce désengagement devant... referme ekstatiquement le devant-quoi et, avec lui, soi-même. L’oubli comme être-été inauthentique se rapporte ainsi à l’être jeté et propre ; il est le sens temporel du mode d’être conformément auquel je suis été de prime abord et le plus souvent. Et c’est seulement sur la base de cet oubli que le présentifier qui se préoccupe et s’attend peut conserver - à savoir conserver l’étant qui n’est pas à la mesure du Dasein, mais fait encontre dans le monde ambiant. À ce conserver correspond une non-conservation, qui représente un « oubli » au sens dérivé. EtreTemps68

L’a-tonie blafarde de l’indifférence, enfin, qui n’est attachée à rien, ne se presse vers rien et s’en remet à ce que chaque jour apporte, non sans alors emporter cependant d’une certaine manière toutes choses, illustre de la manière la plus frappante la puissance de l’oubli dans les tonalités quotidiennes de la préoccupation prochaine. Le « se laisser vivre » qui « laisse » également tout « être » comme il est, se fonde dans une remise oublieuse de soi à l’être-jeté. Il a le sens ekstatique d’un être-été inauthentique. L’indifférence, qui est tout à fait compatible avec un débordement d’activité, doit être nettement séparée de l’équanimité. Car cette tonalité provient de la résolution, qui est instantanée envers les situations possibles du pouvoir-être-tout ouvert dans le devancement vers la mort. [346] Seul peut être affecté un étant qui, selon son sens d’être, se-trouve, autrement dit qui, existant, a (est) déjà à chaque fois été et existe selon un mode constant de l’être-été. EtreTemps68

Le comprendre se fonde primairement dans l’avenir (devancement du s’attendre à...). [350] L’affection se fonde primairement dans l’être-été (répétition ou oubli). L’échéance est avant tout temporellement enracinée dans le présent (présentification ou instant). Néanmoins, le comprendre est à chaque fois présent « étant-été » ; néanmoins, l’affection se temporalise comme avenir « présentifiant » ; néanmoins le présent « ré-sulte » de, ou est tenu par un avenir étant-été. Bref, la temporalité se temporalise dans chaque ekstase de manière totale, c’est-à-dire que c’est dans l’unité ekstatique de la temporalisation à chaque fois pleine de la temporalité que se fonde la totalité du tout structurel de l’existence, de la facticité et de l’échéance, autrement dit l’unité de la structure du souci. EtreTemps68

La résolution a été déterminée comme le se-projeter ré-ticent, prêt à l’angoisse, vers l’être-en-dette propre [NA: Cf. supra, §60, p. [295] sq.]. Elle conquiert son authenticité en tant que résolution devançante [NA: Cf. supra, §62, p. [305]]. Dans celle-ci, le Dasein se comprend de telle sorte quant à son pouvoir-être qu’il comparait devant la mort, afin d’assumer ainsi totalement l’étant qu’il est lui-même en son être-jeté. L’assomption résolue du « Là » propre factice signifie en même temps la décision pour la situation. Ce pour quoi le Dasein se décide à chaque fois facticement, l’analyse existentiale [383] est fondamentalement incapable de l’élucider, aussi bien la présente recherche n’exclut-elle pas moins de son champ le projet existential de possibilités factices de l’existence. Néanmoins, nous devons nous demander d’où en général peuvent être puisées les possibilités vers lesquelles le Dasein se projette facticement. Le se-projeter devançant vers la possibilité indépassable de l’existence, la mort, garantit seulement la totalité et l’authenticité de la résolution. Cependant, les possibilités facticement ouvertes de l’existence ne sauraient être empruntées à la mort, et cela d’autant moins que le devancement vers la possibilité ne signifie point une spéculation sur celle-ci, mais justement un retour vers le Là factice. Serait-ce alors que l’assomption de l’être-jeté du Soi-même dans son monde ouvrirait un horizon auquel l’existence arrache ses possibilités factices ? Et n’avons-nous pas dit, de surcroît, que le Dasein ne pouvait revenir en deçà de son être-jeté ? [Cf. supra, p. [284]] Mais avant de décider précipitamment si le Dasein puise ou non ses possibilités authentiques d’existence dans l’être-jeté, nous devons nous assurer du concept plein de cette déterminité fondamentale du souci. EtreTemps74

La résolution où le Dasein revient vers lui-même ouvre les possibilités à chaque fois factices d’exister authentique à partir de l’héritage qu’elle assume en tant que jetée. Le retour résolu vers l’être-jeté abrite en soi un se-délivrer de [NT: Ce « de » est ici un génitif.] possibilités traditionnelles, quoique non pas nécessairement en tant que traditionnelles. Si tout « bien » est héritage et si le caractère de la « bonté » se trouve dans la possibilisation d’existence authentique, alors se constitue à chaque fois dans la résolution la délivrance d’un héritage. Plus authentiquement le Dasein se [384] résout, c’est-à-dire se comprend sans équivoque à partir de sa possibilité la plus propre, insigne dans le devancement vers la mort, et plus univoque et nécessaire est la trouvaille élective de la possibilité de son existence. Seul le devancement dans la mort expulse toute possibilité arbitraire et « provisoire » ; seul l’être-libre pour la mort donne au Dasein son but pur et simple et rejette l’existence dans sa finitude. La finitude saisie de l’existence arrache à la multiplicité sans fin des possibilités immédiatement offertes de la complaisance, de la légèreté, de la dérobade et transporte le Dasein dans la simplicité de son destin. Par ce terme, nous désignons le provenir originaire du Dasein, inclus dans la résolution authentique, où, libre pour la mort, il se délivre à lui-même en une possibilité héritée et néanmoins choisie. EtreTemps74

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