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EtreTemps58

Definition:
§58 [EtreTemps58]-. Compréhension de l’ad-vocation [An-ruf] et dette.

Pour saisir phénoménalement ce qui est entendu dans la compréhension de l’ad-vocation [An-ruf], il convient d’en revenir une fois de plus à celle-ci. L’ad-voquer du On-même signifie une con-vocation [Aufruf] du Soi-même le plus propre à son pouvoir-être, et cela en tant que Dasein, c’est-à-dire en tant qu’être-au-monde [In-der-Welt-sein] préoccupé et être-avec [Mitsein] avec les autres. L’interprétation existentiale de ce à quoi l’appel con-voque ne peut donc, pour autant qu’elle se comprenne bien dans ses possibilités et ses tâches méthodiques, entreprendre de délimiter telle ou telle possibilité concrète singulière d’existence. Ce qui peut et demande à être fixé, ce n’est pas ce qui, à chaque fois et existentiellement, est « crié » dans chaque Dasein et vers celui-ci, mais ce qui appartient à la condition existentiale de possibilité du pouvoir-être à chaque fois factice-existentiel.

La compréhension existentiellement entendante de l’appel est d’autant plus authentique que le Dasein entend et comprend plus absolument son être-ad-voqué - ou que ce qu’on dit convenir et falloir pervertit moins le sens de l’appel. Or qu’est-ce qui est essentiellement contenu dans l’authenticité de la compréhension de l’ad-vocation [An-ruf] ? Qu’est-ce qui, à chaque fois, est essentiellement donné à comprendre dans l’appel, même si ce n’est pas toujours facticement compris ?

À cette question, nous avons déjà apporté réponse, par la thèse : l’appel ne « dit » rien qui serait à discuter, il ne donne aucune connaissance sur des événements. L’appel pro-voque le Dasein vers son pouvoir-être, et cela en tant qu’appel venu de l’étrang(èr)eté. L’appelant, certes, est indéterminé, - mais le lieu d’où il appelle ne demeure pas indifférent pour l’appeler. Ce « d’où » - l’étrang(èr)eté de l’isolement jeté - est co-appelé dans l’appeler, autrement dit co-ouvert. Le « d’où » de l’appeler, dans la pro-vocation à..., est le « vers où » du rappeler. L’appel ne donne nul pouvoir-être idéal, universel à comprendre ; ce pouvoir-être, il l’ouvre comme pouvoir-être à chaque fois isolé de chaque Dasein. Le caractère d’ouverture de l’appel n’est pleinement déterminé qu’à partir du moment où nous le comprenons comme rappel pro-vocant. C’est seulement à partir d’une orientation sur l’appel ainsi saisi qu’il est possible de demander ce qu’il donne à comprendre.

Toutefois, ne répondrions-nous pas plus aisément et sûrement à la question de savoir ce que l’appel dit en nous « contentant » d’invoquer ce qui est constamment entendu - ou non-entendu - dans toutes les expériences de conscience [Gewissen], à savoir que l’appel advoque le Dasein [281] en tant que « coupable », ou bien, comme dans la conscience [Gewissen] admonitrice, qu’il renvoie à une « dette » possible, à moins que, en tant que bonne conscience [Gewissen], il ne confirme sa « liquidation » ? Peut-être - si seulement ce « en-dette » [NT: En-dette = schuldig, ordinairement « coupable », adjectif formé sur Schuld, qui veut dire aussi bien la faute que la dette. Pourquoi nous retenons, dans ces pages, « dette » de préférence à « faute » pour traduire Schuld, c’est ce qui s’expliquera dans la suite même de ce paragraphe. Rappelons, du point de vue philologique, que Schuld est en allemand le subst. de sollen comme dette le subst. de devoir, ce qui n’empêchera pas H., à la p. [283] d’avertir expressément que cette étymologie n’est pas ici éclairante.] qui est expérimenté si « unanimement » dans les expériences et les explicitations de la conscience [Gewissen] ne faisait pas l’objet de déterminations aussi divergentes ! Du reste, même si le sens de ce « en-dette » se laissait univoquement saisir, le concept existential de cet être-en-dette n’en demeurerait pas moins obscur. Certes, s’il est vrai que c’est le Dasein lui-même qui s’ad-voque comme en-dette », il est clair que l’idée de dette ne saurait être puisée ailleurs que dans une interprétation de l’être du Dasein. Seulement, la question s’élève derechef : qui dit comment nous sommes en dette et ce que dette signifie ? L’idée de dette ne saurait être forgée arbitrairement et imposée de force au Dasein. Mais si une compréhension de l’essence de la dette est en général possible, alors il faut que cette possibilité soit pré-dessinée dans le Dasein. Comment trouver la trace qui puisse nous conduire au dévoilement du phénomène ? Toutes les recherches ontologiques sur des phénomènes comme la dette, la conscience [Gewissen], la mort doivent nécessairement prendre leur point de départ dans ce qu’en « dit » l’explicitation quotidienne [alltäglich] du Dasein. En même temps, le mode d’être échéant du Dasein implique que son explicitation est le plus souvent « orientée » inauthentiquement et n’atteint pas l’« essence », parce que le questionnement ontologique originairement adéquat lui reste étranger. Néanmoins, dans toute erreur de vision se dévoile en même temps une indication en direction de l’« idée » originaire du phénomène. Mais où prendrons-nous le critère du sens existential originaire du « en-dette » ? Réponse : l’essentiel est ici que ce « en-dette » surgit comme prédicat du « je suis ». La question est alors celle-ci : est-ce que ce qui est compris comme « dette » dans une explicitation inauthentique se trouve quand même dans l’être du Dasein comme tel, et cela de telle manière que le Dasein, pour autant qu’à chaque fois il existe facticement, soit aussi déjà en dette ?

Par suite, l’invocation d’un « en-dette » en tant qu’il est unanimement entendu n’apporte pas encore la réponse à la question du sens existential de ce qui est crié dans l’appel. Il faut d’abord que ce contenu de l’appel vienne au concept pour que puisse être rendu compréhensible ce que veut dire ce « en-dette » qui est crié, et aussi pourquoi et comment il est perverti en sa signification par l’explicitation quotidienne [alltäglich].

L’entente quotidienne [alltäglich] prend d’abord l’« être-en-dette » au sens d’« être débiteur », « avoir une ardoise chez quelqu’un ». On doit restituer à l’autre quelque chose auquel il prétend. Cet « être-en-dette » au sens d’« avoir des dettes » est une guise de l’être-avec [Mitsein] autrui dans le domaine de la préoccupation [Besorgen] en tant qu’elle pourvoit et fournit. D’autres modes de cette préoccupation [Besorgen] se trouvent dans le fait de soustraire, emprunter, réserver, prendre, dérober, autrement dit de ne pas satisfaire, d’une manière ou d’une autre, à la revendication de propriété des autres. L’être-en-dette pris en ce sens est rapporté à de l’étant dont on peut se [282] préoccuper.

Ensuite, être-en-dette offre la deuxième signification d’« être responsable de », c’est-à-dire d’être la cause, l’auteur de quelque chose, ou encore « l’occasion de » quelque chose. Suivant ce sens de « responsabilité de » quelque chose, on peut être par conséquent « en-dette » sans pour autant « devoir », « être débiteur » envers autrui. Inversement, on peut devoir quelque chose à autrui sans soi-même en être responsable : autrui peut « faire des dettes » « pour moi » auprès d’autrui.

Ces significations vulgaires de l’être-en-dette comme « avoir des dettes auprès de... » et « être responsable de... » peuvent converger et déterminer un comportement que nous nommons : « se mettre en dette », autrement dit : léser un droit en étant responsable du fait d’avoir des dettes, et se rendre ainsi passible d’une peine. Toutefois, l’exigence à laquelle on ne satisfait pas n’a pas nécessairement besoin d’être relative à une propriété, elle peut régler en général l’être-l’un-avec-l’autre [Miteinandersein] public. D’autre part, le « se-mettre-en-dette » ainsi déterminé, celui qui lèse un droit, peut avoir en même temps le caractère d’un « devenir-en-dette envers autrui ». Cela n’advient pas par l’entorse au droit en tant que telle, mais par le fait que je suis responsable de ce que l’autre est mis en péril, égaré ou même brisé dans son existence. Ce devenir-en-dette envers autrui est possible sans infraction à la loi « publique ». Le concept formel de l’être-en-dette au sens de l’être-devenu-en-dette envers autrui peut donc être ainsi déterminé : être le fondement d’un manque dans le Dasein d’un autre, de telle sorte que cet être-fondement se détermine lui-même à partir de son pour-quoi comme « déficient ». Cette déficience est le manquement vis-à-vis d’une exigence qui s’applique à l’être-avec [Mitsein] existant avec autrui.

Laissons de côté la question de savoir comment de telles exigences prennent naissance, et comment, sur la base de cette origine, leur caractère d’exigence et de loi doit être conçu. En tout état de cause, l’être-en-dette au dernier sens cité, en tant qu’entorse à une « exigence éthique », est un mode d’être du Dasein. Autant vaut aussi, bien sûr, de l’être-en-dette au sens de « se rendre passible d’une peine », au sens d’« avoir des dettes », et de toute « responsabilité dans... », puisqu’il s’agit également dans tous ces cas de conduites du Dasein. Si l’on conçoit le fait d’être « chargé d’une dette (faute) éthique » comme une « qualité » du Dasein, cela revient à ne pas dire grand chose ; au contraire, ce qui se manifeste par là, c’est seulement que cette caractérisation ne suffit point pour délimiter ontologiquement ce mode de « déterminité [Bestimmtheit] d’être » du Dasein par rapport aux conduites à l’instant citées. Tout aussi peu le [283] concept de dette (faute) éthique est-il ontologiquement clarifié lorsque sont devenues - et restées - régnantes des explicitations du phénomène qui incluent dans son concept l’idée de culpabilité, quand ce n’est celle d’endettement auprès..., ou même déterminent carrément ce concept à partir de telles idées. Car le « en-dette » s’en trouve derechef refoulé dans le domaine de la préoccupation [Besorgen] au sens d’une estimation conciliatrice de prétentions opposées.

La clarification du phénomène de la dette, qui n’est pas nécessairement lié au « débit » et à l’infraction au droit, ne peut donc réussir que si l’on commence par s’enquérir fondamentalement de l’être-en-dette du Dasein, c’est-à-dire si l’idée du « en-dette » est conçue à partir du mode d’être propre du Dasein.

Dans ce but, l’idée du « en-dette » doit être formalisée jusqu’au degré requis pour que demeurent hors jeu les phénomènes de dette vulgaires, ceux qui sont relatifs à l’être-avec [Mitsein] préoccupé avec autrui. L’idée de dette doit non seulement être haussée au-dessus du domaine de la préoccupation [Besorgen] calculatrice, mais encore dégagée de tout rapport à un devoir et à une loi en infraction auxquels quelqu’un se chargerait d’une dette (faute). Car ici encore, la dette est nécessairement déterminée comme défaut, comme le manque de quelque chose qui doit et qui peut être. Mais manquer signifie ne-pas-être-sous-la-main. Le défaut comme ne-pas-être-sous-la-main d’une chose due est une détermination d’être du sous-la-main. En ce sens, rien ne peut manquer essentiellement à l’existence, non point parce qu’elle serait parfaite, mais parce que son caractère d’être demeure différent de tout sous-la-main.

Néanmoins, il y a dans l’idée du « en-dette » le caractère du ne-pas. Si le « en-dette » doit pouvoir déterminer l’existence, alors surgit du même coup le problème ontologique d’éclaircir existentialement le caractère de ne-pas de ce ne-pas. De plus, à l’idée du « em-dette » appartient ce qui s’exprime de manière indifférente dans le concept de dette contenu dans la « responsabilité » : le fait d’être fondement, cause de... Nous déterminons par conséquent ainsi l’idée formellement existentiale du « en-dette » : être-fondement pour un être déterminé par un ne-pas - autrement dit être fondement d’une nullité [Nichtigkeit]. S’il est vrai que l’idée du ne-pas incluse dans le concept existentialement compris de dette exclut la relativité à un sous-la-main possible ou exigé, si donc le Dasein ne doit absolument pas être mesuré à l’aune d’un étant sous-la-main ou muni de valeur qu’il n’est pas lui-même ou qui n’est pas selon sa guise, c’est-à-dire n’existe pas, alors disparaît la possibilité de considérer, par rapport à l’être-fondement d’un défaut, l’étant même qui est un tel fondement comme « déficient ». Il est impossible, partant d’un défaut « causé » par le Dasein ou du non-remplissement d’une exigence, d’inférer rétrospectivement la déficience de la « cause ». L’être-fondement pour... [284] n’a pas besoin de présenter le même caractère de ne-pas que le privatif qui se fonde en lui et provient de lui. Le fondement n’a pas besoin de ne tenir sa nullité [Nichtigkeit] que de ce qu’il fonde. Or cela implique que l’être-en-dette ne résulte pas d’abord d’un endettement, mais, inversement, que celui-ci ne devient possible que « sur le fondement » d’un être-en-dette originaire. Est-il donc possible de mettre celui-ci en évidence dans l’être du Dasein, et comment est-il en général existentialement possible ?

L’être du Dasein est le souci. Il comprend en soi la facticité (être-jeté), l’existence (projet) et l’échéance. Étant, le Dasein est jeté - il n’est pas porté à son Là par lui-même. Étant, il est déterminé comme un pouvoir-être qui s’appartient à lui-même, et qui pourtant ne s’est pas remis en propre comme lui-même. Existant, le Dasein ne passe jamais derrière son être-jeté, de telle manière qu’il puisse ne libérer à chaque fois proprement qu’à partir de son être-Soi-même et conduire au Là ce « qu’il est et a à être ». Toutefois, l’être-jeté ne se trouve pas derrière lui comme un événement factuellement arrivé et à nouveau ranimé par le Dasein - se produisant, donc, en même temps que lui -, mais le DASEIN est constamment, aussi longtemps qu’il est, en tant que souci son « que ». C’est en tant que cet étant, par la remise à qui seulement il peut exister comme l’étant qu’il est, qu’il est, en existant, le fondement de son pouvoir-être. Bien qu’il n’ait pas posé lui-même le fondement, il repose dans sa gravité, que la tonalité comme charge lui rend manifeste.

Et comment est-il ce fondement jeté ? Uniquement de telle manière qu’il se projette vers des possibilités où il est jeté. Le Soi-même qui, comme tel, a à poser le fondement de lui-même, ne peut jamais se rendre maître de celui-ci, et pourtant, en existant, il a à assumer l’être-fondement. Être son propre fondement jeté, tel est le pouvoir-être dont il y va pour le souci.

Étant-fondement, c’est-à-dire existant comme jeté, le Dasein reste constamment en deçà de ses possibilités. Il n’est jamais existant avant son fondement, mais toujours seulement à partir de lui et comme tel. Être-fondement signifie par conséquent fondamentalement, n’être jamais en possession de son être le plus propre. Ce ne-pas appartient au sens existential de l’être-jeté. Étant-fondement, il est lui-même une nullité [Nichtigkeit] de lui-même. La nullité [Nichtigkeit] ne signifie nullement le ne-pas-être-sous-la-main, la non-subsistance, mais elle désigne un ne-pas qui constitue cet être du Dasein, son être-jeté. Le caractère de ne-pas de ce ne-pas se détermine existentialement : étant Soi-même, le Dasein est l’étant jeté en tant que Soi-même. Dé-laissé non pas par soi-même, mais à soi-même à partir du fondement, pour être comme tel. Si le [285] Dasein est lui-même le fondement de son être, ce n’est pas pour autant que celui-ci provient seulement d’un projet propre - mais c’est en tant qu’être-Soi-même qu’il est l’être du fondement. Celui-ci est toujours seulement fondement d’un étant dont l’être a à assumer l’être-fondement.

Le Dasein est en existant son fondement, c’est-à-dire de telle manière qu’il se comprend à partir de possibilités, et, se comprenant ainsi, est l’étant jeté. Or cela implique que, pouvant-être, il se tient à chaque fois dans l’une ou l’autre possibilité, que constamment il n’est pas une autre, et qu’il a renoncé à elle dans le projet existentiel. Le projet n’est pas seulement déterminé, en tant qu’à chaque fois jeté, par la nullité [Nichtigkeit] de l’être-fondement, mais, en tant que projet, il est lui-même essentiellement nul. Cette détermination, derechef, ne désigne nullement la propriété ontique du « sans succès » ou « sans valeur », mais un constitutif existential de la structure d’être du projeter. La nullité [Nichtigkeit] visée appartient à l’être-libre du Dasein pour ses possibilités existentielles. Seulement, la liberté n’est que dans le choix de l’une, autrement dit dans l’assomption du n’avoir-pas-choisi et du ne-pas-non-plus-pouvoir-avoir-choisi l’autre.

Dans la structure de l’être-jeté aussi bien que dans celle du projet est essentiellement contenue une nullité [Nichtigkeit], et c’est elle qui est le fondement de la possibilité de la nullité [Nichtigkeit] du Dasein inauthentique dans l’échéance où il se trouve à chaque fois et toujours facticement. En son essence, le souci lui-même est transi de part en part de nullité [Nichtigkeit]. Le souci - l’être du Dasein - signifie ainsi, en tant que projet jeté : l’être-fondement (nul) d’une nullité [Nichtigkeit]. Autrement dit : le Dasein est comme tel en-dette, si tant est que demeure la détermination existentiale formelle de la dette comme être-fondement d’une nullité [Nichtigkeit].

La nullité [Nichtigkeit] existentiale n’a nullement le caractère d’une privation, d’un défaut par rapport à un idéal tout tracé que le Dasein manquerait d’atteindre - au contraire l’être de cet étant est, avant tout ce qu’il peut projeter et atteint le plus souvent, déjà nul en tant que projeter. Cette nullité [Nichtigkeit] n’apparaît donc pas non plus occasionnellement dans le Dasein pour s’attacher à lui comme une qualité obscure qu’il pourrait, à condition de progresser suffisamment, éliminer.

Et pourtant, le sens ontologique de la néantité [Nichtheit] de cette nullité [Nichtigkeit] existentiale ne laisse pas de rester obscur, et cela ne vaut pas moins de l’essence ontologique du ne-pas en général.

Assurément, l’ontologie et la logique ont demandé beaucoup au ne-pas, et ainsi, par étapes, rendu visible sa possibilité, sans pour autant le dévoiler lui-même ontologiquement. [286] L’ontologie trouvait le ne-pas devant elle, et elle s’en est simplement servie. Est-il alors si « évident » que tout ne-pas signifie un négatif au sens d’un défaut ? Sa positivité s’épuise-t-elle à constituer le « passage » ? Pourquoi toute dialectique se réfugie-t-elle dans la négation, mais sans pouvoir fonder dialectiquement celle-ci même, ni même la fixer à titre de problème ? A-t-on en général jamais élevé au rang de problème l’origine ontologique de la néantité [Nichtheit], ou tout au moins, préalablement, recherché les conditions de possibilité sur la base desquelles le problème du ne-pas, de sa néantité [Nichtheit] et de la possibilité de celle-ci se laisse poser ? Et où pourrions-nous trouver ces conditions, sinon dans la clarification thématique du sens de l’être en général ?

Même s’il permettent, une fois saisis de manière suffisamment formelle, un large usage, les concepts - qui plus est, peu transparents - de privation et de défaut manifestent déjà leur insuffisance à interpréter ontologiquement le phénomène de la dette, et rien n’est plus impossible que d’approcher le phénomène existential de la dette en s’orientant sur l’idée du mal, du malum comme privatio boni, s’il est vrai que le bonum aussi bien que sa privatio tiennent leur commune origine ontologique de l’ontologie du sous-la-main, laquelle s’applique tout autant à l’idée de « valeur » « tirée » de celui-ci.

Non seulement l’étant dont l’être est le souci peut se charger d’une dette factice, mais encore il est en-dette au fond de son être, et cet être-en-dette donne pour la première fois la condition ontologique permettant que le Dasein, existant facticement, devienne « endetté ». Cet être-en-dette essentiel est cooriginairement la condition existentiale de possibilité du bien et du mal « moraux », autrement dit de la moralité en général et de ses modifications facticement possibles. Si l’être-en-dette originaire ne peut être déterminé par la moralité, c’est que celle-ci le présuppose déjà pour elle-même.

Mais quelle expérience plaide-t-elle en faveur de cet être-en-dette originaire du Dasein ? N’oublions pas cependant la contre-question de cette question : la dette n’« est »-elle « là » que si une conscience [Gewissen] de dette s’est éveillée, ou bien le fait même que la dette « sommeille » n’annonce-t-il pas justement l’être-en-dette originaire ? Que celui-ci, de prime abord et le plus souvent, demeure non-ouvert, qu’il soit tenu refermé par l’être échéant du Dasein, cela ne fait que dévoiler la nullité [Nichtigkeit] citée. Plus originaire que tout savoir le concernant est l’être-en-dette. Et c’est seulement parce que le Dasein, au fond de son être, est en-dette, et, en tant qu’échéant et jeté, se le referme à lui-même, que la conscience [Gewissen] est possible, si tant est que l’appel donne fondamentalement cet être-en-dette à comprendre.

L’appel est appel du souci. L’être-en-dette constitue l’être que nous appelons souci. Dans l’étrang(èr)eté, le Dasein se rassemble originairement avec lui-même. Elle transporte cet [287] étant devant sa nullité [Nichtigkeit] non-dissimulée, laquelle appartient à la possibilité de son pouvoir-être le plus propre. Dans la mesureil y va pour le Dasein - comme souci - de son être, il se convoque lui-même - en tant que On factice-écheant - à son pouvoir-être depuis l’étrang(èr)eté. L’appel est rappel qui pro-voque ; qui pro-voque : à la possibilité d’assumer soi-même en existant l’étant jeté qu’il est ; il est rappel : à l’être-jeté, afin de comprendre celui-ci comme le fondement nul qu’il a à assumer dans l’existence. Le rappel pro-vocant de la conscience [Gewissen] donne au Dasein à comprendre qu’il doit - à titre de fondement nul de son projet nul se tenant dans la possibilité de son être - se ramener de la perte dans le On [das Man] vers lui-même, autrement dit qu’il est en-dette.

Il semble ainsi que ce que le Dasein se donne à comprendre de cette manière représente bien une connaissance de lui-même, et que ce qui correspond à un tel appel soit une prise de connaissance en fait du « en-dette ». Mais si l’appel doit même avoir le caractère du con-voquer, cette explicitation de la conscience [Gewissen] ne conduit-elle pas à une perversion consommée de la fonction de la conscience [Gewissen] ? Con-voquer à l’être-en-dette, cela ne signifie-t-il pas une con-vocation [Aufruf] à la méchanceté ?

Assurément, l’interprétation la plus violente n’ira jamais jusqu’à charger la conscience [Gewissen] d’une telle signification provocante... Dès lors, que peut bien signifier encore une « con-vocation [Aufruf] » à l’être-en-dette ?

Le sens de l’appel devient clair si la compréhension, au lieu de lui substituer le concept dérivé de la dette prise au sens d’un endettement « résultant » d’une action ou d’une omission, s’en tient au sens existential de l’être-en-dette. Exiger cela n’est nullement arbitraire si l’appel de la conscience [Gewissen], provenant du Dasein lui-même, se dirige uniquement vers cet étant. Alors, le con-voquer à l’être-en-dette signifie un pro-voquer au pouvoir-être que je suis à chaque fois déjà en tant que Dasein. Cet étant n’a pas besoin de se charger d’abord d’une « dette » [« faute »] à cause de manquements ou d’omissions, il doit seulement être authentiquement le « en-dette » comme lequel il est.

Dès lors, l’entendre correct de l’appel équivaut à un se-comprendre en son pouvoir-être le plus propre, c’est-à-dire au se-projeter vers le pouvoir-devenir-en-dette authentique le plus propre. Le se-laisser-pro-voquer compréhensif à cette possibilité inclut en soi le devenir-libre du Dasein pour l’appel : la disposition au pouvoir-être-ad-voqué. Le Dasein, comprenant l’appel, est obédient à sa possibilité la plus propre d’existence. Il s’est lui-même choisi.

Avec ce choix, le Dasein se rend possible son être-en-dette le plus propre, qui demeure [288] refermé au On-même. L’entente du On ne connaît que la suffisance ou l’insuffisance par rapport à la règle courante et à la norme publique. Le On décompte des infractions contre elles, et il cherche des compromis. Il s’est dérobé à l’être-en-dette le plus propre, afin de commenter d’autant plus bruyamment les fautes commises. Mais dans l’ad-vocation [An-ruf], le On [das Man]-même est ad-voqué à l’être-en-dette le plus propre du Soi-même. La compréhension de l’appel est le choisir - non pas cependant de la conscience [Gewissen] qui, comme telle, ne peut être choisie. Ce qui est choisi, c’est l’avoir-conscience [Gewissen] en tant qu’être-libre pour l’être-en-dette le plus propre. Comprendre l’ad-vocation [An-ruf] signifie : vouloir-avoir-conscience [Gewissen].

Cela ne veut pas dire cependant : vouloir avoir une « bonne conscience [Gewissen] », et pas davantage un culte volontairement rendu à l’appel, mais uniquement la disponibilité à l’être-ad-voqué. Le vouloir-avoir-conscience [Gewissen] est tout aussi éloigné d’une recherche de responsabilités factices que de la tendance à une libération à l’égard de la dette au sens du « en-dette » essentiel.

Le vouloir-avoir-conscience [Gewissen] est bien plutôt la présupposition existentielle la plus originaire de la possibilité du devenir-en-dette factice. Comprenant l’appel, le Dasein laisse le Soi-même le plus propre agir sur soi à partir du pouvoir-être qu’il a choisi. Ainsi seulement peut-il être responsable. Mais tout agir, facticement, est nécessairement « in-conscient », non pas seulement parce qu’il n’évite pas l’endettement moral factice, mais parce que, sur le fondement nul de son projeter nul, il est toujours déjà devenu, dans l’être-avec [Mitsein] avec les autres, en dette auprès d’eux. Ainsi, le vouloir-avoir-conscience [Gewissen] devient-il assomption de l’in-conscience [Gewissen] essentielle à l’intérieur de laquelle seulement subsiste la possibilité existentielle d’être « bon ».

Bien que l’appel n’offre rien à la connaissance, il n’est pourtant pas seulement critique, mais positif, il ouvre le pouvoir-être le plus originaire du Dasein en tant qu’être-en-dette. La conscience [Gewissen], par suite, se manifeste comme une attestation appartenant à l’être du Dasein, où elle appelle celui-ci même devant son pouvoir-être le plus propre. Est-il possible de déterminer existentialement de façon plus concrète le pouvoir-être authentique ainsi attesté ? Au préalable s’élève cette question : le dégagement - que nous avons accompli - d’un pouvoir-être attesté dans le Dasein lui-même peut-il revendiquer une évidence suffisante, tant que n’a pas disparu l’étonnement de voir la conscience [Gewissen] interprétée ici unilatéralement par rapport à la constitution du Dasein, et précipitamment omises toutes les données qui sont familières à l’explicitation vulgaire de la conscience [Gewissen] ? Dans notre interprétation antérieure du phénomène de la conscience [Gewissen], celui-ci se laisse-t-il en général encore reconnaître comme il est [289] « effectivement » ? Ne nous sommes-nous pas bornés à déduire, avec une franchise excessive, une idée de la conscience [Gewissen] de la constitution d’être du Dasein ?

Afin de rendre la dernière étape de notre interprétation, à savoir la délimitation existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience [Gewissen], accessible même à la compréhension vulgaire de la conscience [Gewissen], il est besoin de mettre expressément en évidence la connexion entre les résultats de l’analyse ontologique et les expériences quotidiennes [alltäglich] de la conscience [Gewissen].


Submitted on 13.06.2007 19:20
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