
[146] Le projet concerne toujours la pleine ouverture de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] ; le comprendre, en tant que pouvoir-être, a lui-même des possibilités qui sont pré-dessinées par l’orbe de ce qui est essentiellement ouvrable en lui. Le comprendre peut se placer primairement dans l’ouverture du monde, c’est-à-dire que le Dasein peut de prime abord et le plus souvent se comprendre à partir de son monde. À moins que le comprendre ne se jette primairement dans le en-vue-de-quoi, autrement dit que le Dasein n’existe en tant que lui-même. Le comprendre est soit authentique - jaillissant du Soi-même propre comme tel - soit inauthentique. Le préfixe « in-» ne signifie pas que le Dasein se détache de son Soi-même et comprenne « seulement » le monde. Le monde appartient à son être-Soi-même en tant qu’être-au-monde [In-der-Welt-sein]. EtreTemps31
[268] Avec la perte dans le On [das Man], il est toujours déjà décidé du pouvoir-être factice prochain du Dasein, autrement dit des tâches, des règles, des critères, de la profondeur et de l’étendue de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] dans sa préoccupation [Besorgen] et sa sollicitude [Fürsorge]. Le On a toujours déjà soustrait au Dasein la saisie de ces possibilités d’être. Davantage, le On [das Man] soustrait au regard [du Dasein] cette soustraction même, silencieusement opérée par lui, de tout choix exprès de ces possibilités. Qui « à proprement parler » choisit, c’est ce qui demeure indéterminé. Cette privation de choix, cet entraînement par « personne », où le Dasein s’empêtre dans l’inauthenticité, ne peut être inversé qu’à la condition que le Dasein se ramène proprement de sa perte dans le On [das Man] vers lui-même. Néanmoins, cette reprise doit nécessairement avoir le mode d’être par l’omission duquel le Dasein se perdait dans l’inauthenticité. La reprise de soi hors du On, autrement dit la modification existentielle du On-même en être-Soi-même authentique doit nécessairement s’accomplir comme re-saisie d’un choix. Mais ressaisir un choix signifie choisir ce choix, se décider pour un pouvoir-être puisé dans le Soi-même le plus propre. C’est dans le choix du choix que le Dasein se rend pour la première fois possible son pouvoir-être authentique. EtreTemps54
L’interprétation existentiale est nécessairement éloignée de l’entente ontique quotidienne [alltäglich], quand bien même elle dégage les fondements ontologiques de ce que l’explicitation vulgaire de la conscience [Gewissen], dans certaines limites, a toujours compris et, en tant que « théorie » de la conscience [Gewissen], porté à un concept. Aussi l’interprétation existentiale a-t-elle besoin d’une confirmation par une critique de l’explicitation vulgaire de la conscience [Gewissen]. À partir du phénomène une fois dégagé peut être fixée la mesure en laquelle il atteste un pouvoir-être authentique du Dasein. À l’appel de la conscience [Gewissen] appartient un entendre possible. La compréhension de l’ad-vocation [An-ruf] se dévoile comme vouloir-avoir-conscience [Gewissen]. [270] Mais, dans ce phénomène est contenu le choisir existentiel - que nous cherchons - du choix d’un être-Soi-même, choisir que nous appelons, conformément à sa structure existentiale, la résolution. Du coup, le plan des analyses de ce chapitre nous est prédonné : les fondements ontologico-existentiaux de la conscience [Gewissen] (§55 [EtreTemps55]) ; le caractère d’appel de la conscience [Gewissen] (§56 [EtreTemps56]) ; la conscience [Gewissen] comme appel du souci (§57 [EtreTemps57]) ; compréhension de l’ad-vocation [An-ruf] et dette (§58 [EtreTemps58]) ; l’interprétation existentiale de la conscience [Gewissen] et l’explicitation vulgaire de la conscience [Gewissen] (§59 [EtreTemps59]) ; la structure existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience [Gewissen] (§60 [EtreTemps60]). EtreTemps54
L’être du Dasein est le souci. Il comprend en soi la facticité (être-jeté), l’existence (projet) et l’échéance. Étant, le Dasein est jeté - il n’est pas porté à son Là par lui-même. Étant, il est déterminé comme un pouvoir-être qui s’appartient à lui-même, et qui pourtant ne s’est pas remis en propre comme lui-même. Existant, le Dasein ne passe jamais derrière son être-jeté, de telle manière qu’il puisse ne libérer à chaque fois proprement qu’à partir de son être-Soi-même et conduire au Là ce « qu’il est et a à être ». Toutefois, l’être-jeté ne se trouve pas derrière lui comme un événement factuellement arrivé et à nouveau ranimé par le Dasein - se produisant, donc, en même temps que lui -, mais le DASEIN est constamment, aussi longtemps qu’il est, en tant que souci son « que ». C’est en tant que cet étant, par la remise à qui seulement il peut exister comme l’étant qu’il est, qu’il est, en existant, le fondement de son pouvoir-être. Bien qu’il n’ait pas posé lui-même le fondement, il repose dans sa gravité, que la tonalité comme charge lui rend manifeste. EtreTemps58