
Mais comment la temporalité de l’angoisse se rapporte-t-elle à celle de la peur ? Nous avons appelé l’angoisse une affection fondamentale [NA: Cf. supra, §40 [EtreTemps40], p. [184] sq.]. Elle transporte le Dasein devant son être-jeté le plus propre et dévoile l’étrang(èr)eté de l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] quotidienne [alltäglich]ment familiarisé. Cela dit, l’angoisse est formellement déterminée, tout comme la peur, par un devant-quoi du s’angoisser et par un pour-quoi. Néanmoins, l’analyse a montré que ces deux [343] phénomènes coïncident dans l’angoisse. Ce qui ne doit pas signifier que les caractères structurels du devant-quoi et du pour-quoi seraient confondus, comme si l’angoisse ne s’angoissait ni devant..., ni pour... Que le devant-quoi et le pour-quoi coïncident, cela veut dire que l’étant qui les remplit est le même, à savoir le Dasein. En particulier, le devant-quoi de l’angoisse ne fait pas encontre comme un sujet déterminé de préoccupation [Besorgen], la menace ne vient pas de l’étant à-portée-de-la-main et sous-la-main, mais bien plutôt justement de ce que tout étant à-portée-de- et sous-la-main ne nous « dit » absolument plus rien. Avec l’étant du monde ambiant, il ne retourne plus de rien. Le monde où j’existe a sombré dans la non-significativité [Bedeutsamkeit], et le monde ainsi ouvert ne peut libérer de l’étant que sous la figure de la non-tournure [Bewandtnis]. Le rien du monde, devant lequel l’angoisse s’angoisse, ne signifie pas que soit expérimentée dans l’angoisse (par exemple) une absence du sous-la-main intramondain. Celui-ci, au contraire, doit justement faire encontre [begegnen] pour qu’il ne puisse même pas retourner de... avec lui et qu’il puisse se montrer dans un vide impitoyable. Or cela implique que le s’attendre préoccupé ne trouve rien à partir de quoi il pourrait se comprendre, qu’il mord sur le rien du monde ; toutefois, le comprendre, butant sur le monde, est transporté par l’angoisse vers l’être-au-monde [In-der-Welt-sein] comme tel, ce devant-quoi de l’angoisse étant cependant en même temps son pour-quoi. Le s’angoisser devant... n’a ni le caractère d’une attente ni en général celui d’un s’attendre à... Le devant-quoi de l’angoisse est bel et bien déjà « là », étant le Dasein lui-même. Mais alors, l’angoisse n’est-elle pas constituée par un avenir ? Assurément, mais non pas par l’avenir inauthentique du s’attendre à... EtreTemps68
Pour fournir la première caractérisation de la genèse du comportement théorique à partir de la circon-spection, nous avons pris pour base une guise de la saisie théorique de l’étant intramondain, de la nature physique, où la modification de la compréhension d’être équivaut à un virage. Dans l’énoncé « physique » : « le marteau est lourd », il n’y a pas seulement omission du caractère d’outil [Zeug] de l’étant rencontré, mais, et conjointement, de ce qui appartient à tout outil [Zeug] à-portée-de-la-main : sa place. Celle-ci devient indifférente. Non que le [362] sous-la-main perde en général son « lieu ». La place devient un emplacement spatio-temporel, un « point du monde » qui ne se distingue d’aucun autre de manière privilégiée. Ce qui implique que la multiplicité - circonscrite par le monde ambiant - des places de l’outil [Zeug] à-portée-de-la-main n’est pas seulement modifiée en une pure multiplicité d’emplacements, mais que l’étant du monde ambiant est en général dé-limité. C’est le tout de l’être-sous-la-main qui devient thème. EtreTemps69