Alleinsein

Category: Heidegger - Termos originais
Submitter: mccastro

Alleinsein

estar solo, être seul, ser-sozinho, Being-alone

« Peut-être faut-il aussi aimer la solitude pour parvenir à ne pas être seul », confie M. Yourcenar (Les Yeux ouverts, p. 246)... et peut-être Heidegger est-il à même de nous aider à penser cet apparent paradoxe, ce qui suppose d’écarter d’abord la conception ordinaire de la solitude qui y voit le repli sur un moi insulaire. Prise en ce sens, la solitude en effet est une fiction : en 1925, dans le § 26 des Prolégomènes à une histoire du concept de temps, Heidegger écrit ainsi qu’« on ne peut pas parler d’un isolement [Isolation] du Je, donc d’un ‘‘Je suis seul [allein] au monde’’ » (GA20, 327), dans la mesure où ce n’est que sur le fond de l’être-ensemble qu’il est possible d’être, non seulement l’un pour l’autre, mais également l’un contre l’autre ou l’un sans l’autre, jusqu’à se côtoyer dans l’indifférence en restant étranger l’un à l’autre : il faut en effet se soucier mutuellement les uns des autres et se régler les uns sur les autres pour s’éviter dans la rue en passant froidement l’un à côté de l’autre, une tuile qui tombe d’un toit ne passant pas, à proprement parler, à côté de la fenêtre (GA20, 331). C’est pourquoi l’être seul (das Alleinsein) peut être dit un mode déficient de l’être-ensemble (das Mitsein), comme le montre également l’important § 26 d’Être et temps [EtreTemps26]. Si, renforcé par la persistante méprise philosophique qui consiste à poser d’abord un sujet isolé pour se demander ensuite comment il pourrait sortir de cette intériorité close, le sentiment d’être isolé vient de ce que, d’abord et le plus souvent, on passe les uns à côté des autres, le fait qu’il se trouve à côté de moi un autre homme, ou même une dizaine, ne saurait le dissiper (ÊT, 121). Se mouvoir sans cesse parmi de nombreux autres dont chacun n’est jamais qu’un numéro parmi d’autres apparaît alors comme une fuite permettant d’esquiver tout questionnement décisif et, en se satisfaisant ainsi de succédanés (ÊT, 125), on ne cesse finalement d’être seul. [LDMH]

Submitted on:  Sun, 27-Jun-2021, 18:18