
Wiederholung
Que l’‘être-résolu’ [Entschlossenheit] sache expressément d’où proviennent les possibilités vers lesquelles il se projette [Herkunft der Möglichkeiten], cela n’est pas nécessaire. Toutefois, il y a bien dans la temporalité [Zeitlichkeit] du Dasein, et dans elle seulement, la possibilité d’aller expressément rechercher, dans la compréhension traditionnelle du Dasein [Daseinsverständnis], le ‘pouvoir-et-savoir-être’ existentiel [existenzielle Seinkönnen] vers lequel celui-ci se projette. L’‘être-résolu’ qui revient en arrière vers soi, qui se lègue à soi, devient alors la répétition d’une possibilité d’existence qu’il a reçue [überkommen]. La répétition est la tradition expresse, c’est-à-dire le retour en arrière dans des possibilités qu’a eues le Dasein ‘ayant été là’ [dagewesen]. Sur le plan existential, la répétition propre d’une possibilité d’existence qui a été – autrement dit le fait pour le Dasein de se choisir son héros [seinen Helden] – est fondée dans l’‘être-résolu’ qui prend les devants ; car ce n’est qu’en ce dernier qu’est pour la première fois choisi le choix qui rend le Dasein libre pour prendre la suite du combat et pour rester fidèle à ce qui peut être répété. Néanmoins, se léguer, en la répétant, une possibilité qui a été, ce n’est pas ouvrir-révéler le Dasein ‘ayant été là’ afin de le réaliser une fois de plus. Répéter ce qui est possible, ce n’est ni rétablir ce qui est « révolu », ni réenchaîner le « présent » [386] à ce qui est « dépassé ». Prenant sa source dans un Dasein qui s’auto-projette résolument, la répétition ne se laisse pas convaincre par ce qui « est révolu » de laisser ledit révolu revenir en tant que ce qui a été autrefois effectif. La répétition donne bien plutôt la réplique [erwidern] à la possibilité de l’existence qui ‘a été là’. Dans la résolution à prendre toutefois, la réplique à la possibilité, en tant que ladite réplique est à la façon dont est l’instant, est également la révocation de ce qui, en tant que « ‘passé révolu’ » [Vergangenheit], se répercute pleinement dans l’aujourd’hui. Pas plus qu’elle ne s’abandonne à ce qui est révolu, la répétition n’a pour cible un progrès. Ces deux attitudes sont, dans l’instant [Augenblick], indifférentes à l’existence propre. (al. 9)
Nous caractérisons la répétition comme étant le mode de l’‘être-résolu’ qui se lègue à soi, mode par lequel le Dasein existe expressément en tant que destin [Schicksal]. Mais si le destin constitue l’historialité [Geschichtlichkeit] originelle du Dasein, alors ce qui pèse fondamentalement dans l’histoire [Geschichte] ne réside ni dans ce qui est révolu, ni dans l’aujourd’hui et dans ce qui « enchaîne » [Zusammenhang] ce dernier à ce qui est révolu, mais cela réside dans le ‘devenir-historial’ propre [eigentlichen Geschehen] qu’est l’existence [Existenz], lequel prend sa source dans l’avenir [Zukunft] du Dasein. En tant que guise de l’Être du Dasein, c’est tellement par essence que l’histoire plonge ses racines dans l’avenir, que la mort, en tant que possibilité, telle que nous l’avons caractérisée, du Dasein, renvoie l’existence qui prend les devants en arrière vers l’‘être-ayant-été-lancé’ factuel [faktische Geworfenheit] qui est le sien, et ce n’est qu’ainsi qu’elle confère au ‘passé-présent’ [Gewesenheit] la primauté spécifique qu’il a dans l’historial. La raison cachée de l’historialité du Dasein, c’est l’‘être-ayant-sa-mort-en-perspective’ propre, c’est-à-dire la finitude de la temporalité. Ce n’est pas dans la répétition que le Dasein, en premier lieu, devient historial, mais c’est parce que, en tant que temporel, il est historial, qu’il peut, en répétant, s’assumer dans son histoire. Et pour cela, il n’est encore besoin d’aucune historiographie [Historie]. (al. 10)
Le fait, inhérent à l’‘être-résolu’, qu’en prenant les devants il se lègue à soi le ‘là’ [das Da] de l’instant [Augenblick], nous le nommons le destin [Schicksal]. Dans celui-ci est simultanément fondée la destinée [Geschick], terme par lequel nous comprenons le ‘devenir-historial’ [Geschehen] du Dasein dans son ‘être-avec’ [Mitsein] en commun avec les autres. Dans la répétition, la destinée qui assume son destin peut être expressément ouverte-révélée en ce qui concerne son attachement à ce qu’elle a reçu en héritage [Erbe]. C’est la répétition qui rend au Dasein sa propre histoire avant tout manifeste. Le ‘devenir-historial’ lui-même et l’‘être-ouvert-révélé’ [Erschlossenheit], voire l’appropriation qui va avec, sont fondés existentialement dans le fait que le Dasein, en tant que temporel, est ouvert de façon ekstatique. (al. 11) [SZ:385-386; ETJA:§73]